Il y a des gens que l'on croise, comme ça, dans la rue. On ne s'attarde pas sur eux, pensant que c'est inutile et que l'on a mieux à faire. Pourtant, si on s'assoit sur un banc, dans un parc par exemple, et que l'on se concentre sur les personnes qui passent, on peut voir beaucoup de choses. Il y a cet homme au téléphone essayant de remettre son alliance. Il y a cette femme qui marche vite, trop vite, manquant de trébucher à tout moment mais trop occupée à trier ses dossiers. Il y a ces deux adolescents qui marchent l'un à côté de l'autre, silencieux, des étoiles dans les yeux. Et puis il y a cette fille, sûrement du même âge que toi, elle s'assoit sur le banc d'en face, les mains sur les cuisses et les yeux rivés sur le sol. A quoi pense-t-elle ? Il ne vaut mieux pas savoir. Ses poignets sont recouverts par de nombreux bracelets mais il n'y en a pas assez pour cacher toutes ces cicatrices. Pour cacher toutes ces tentatives de quitter cette Terre, injuste et insupportable à ses yeux. C'est le genre de fille que l'on croise dans la rue et on ne se retourne pas, on n'entend pas son âme crier  à l'aide. On reste sourd face à sa détresse et aveugle face à ses poignets coupés et ses chevilles recouvertes de bleus. Si on ne fait pas attention à elle, jamais on ne pourrait croire qu'elle se fait battre par son père, alcoolique depuis le décès de sa femme, de la mère de sa fille. Si on ne regarde pas assez, jamais on ne pourrait penser que cet homme au téléphone trompe sa femme depuis six mois. Que cette femme qui marche trop vite est persécutée par son patron qui lui fait des avances de plus en plus osées. Que ces deux adolescents essayent de se remettent de la mort de leur meilleur ami qu'ils aimaient tant et que ces étoiles dans leurs yeux sont en fait des larmes qu'ils essayent de retenir. Le pire dans tout ça ? C'est qu'on se permet de les juger alors que l'on ne connaît pas leur vie, leurs expériences. Pourquoi critiquent-ont les autres ? Pour se protéger ? Sûrement, mais de quoi ? De la différence, de la peine de ces gens qu'on ne veut pas avoir sur le dos ? Pourtant, il y a des personnes qui méritent d'être aidés car ils sont forts, ils ne se plaignent pas, ils ne demandent rien à personne et c'est pour ça qu'on ne se doute de rien.